Ma Derbi de 1972

Madrid, 1972. après quelques travaux saisonniers et du weekend, je peux me payer une 49,9 à vitesses: une Derbi "Antorcha Olimpica Tricampeona" (comme les motos d'Angel Nieto, qui a déjà été sacré champion du monde en 50cc... enfin, très peu semblable aux modèles de course!). Elle est d'occase et n'a qu'un an et 3500km. Un peu de technique: 49cc: 3 vitesses au pied gauche (première en haut), carbu dellorto 12mm, compteur (option d'origine) gradué jusqu'à 120km/h!!! Quelques semaines en configuration d'origine et la course à la performance commence: d'abord, une couronne plus petite (de 8 dents?) qui permet de rouler à 60km/h compteur au lieu de 50 d'origine. Des sorties avec des 50cc et des 75cc de l'époque aux alentours de Madrid (Avila, Segovia, Toledo...) Puis, un réalésage avec piston +1mm (donc environ 55cm3), un carbu de 16, des ressorts d'embrayage renforcés et un fraisage des lumières du cylindre. Peu de progrès pour tant de travail: à peine 70km/h compteur en pointe. C'est dans cette configuration que je réaliserai le voyage qui m'a le plus marqué dans ma vie: Madrid-...Paris! en trois jours, avec une vitesse de croisière assumée de 50-60km/h (je me rends compte que j'aurais dû rallonger la transmission, car je monte les côtes sans que la moto ne ralentisse), plusieurs nettoyages de bougie (et un changement) en chemin, un arrêt tous les 150km maxi (autonomie oblige avec un réservoir de 6L), et aucune panne à signaler (hormis mes fesses bien tannées à l'arrivée; première nuit parisienne sur un banc de la gare d'Austerlitz). Deux mois dans Paris à faire la plonge dans le foyer d'étudiants rue Vaugirard 104 et des balades vers Chartres, Versailles... Le retour se fera avec la moto sur le train (Le Puerta del Sol) car j'ai quelques francs en poche et un souvenir désagréable au bas de mon dos...
Pendant ces deux mois à Paris j'ai bavé devant des vitrines et voyant sur les trottoirs et les rues des Yamaha AS3 125 et R5 350, des SuzukiT20, des Honda CB de toutes les cylindrées, des Kawasaki 3 cylindres... inconnues en Espagne. Promis, je reviendrai en j'en aurai une!
De retour à Madrid, c'est la course à l'armement: réalésage des carters et cylindre-piston "pirate" (on l’appelait ainsi car vu de l'extérieur il ressemblait comme 2 gouttes d'eau au 49 d'origine), pignon avec une dent de plus et vogue la galère! En plein rodage respectueux, serrage! Serait-ce la qualité des huiles mélangées à l’essence dans les pompes ou, la mauvaise qualité de l'ensemble piston/cylindre du kit "pirate" ou sans doute, vu avec le recul, le fait que j'ai laissé le même carbu de 16mm avec le même gicleur (donc carburation trop pauvre).
Aux grands maux on applique les grands remèdes: ce sera un cylindre/piston 74cc de la Derbi 75 Sport (mécanique éprouvée) et un carbu de 18mm. Le cylindre n'est plus visiblement celui d'origine, et quand je vois la Guardia Civil de loin, je m'efforce de passer inaperçu... ce qui n'est pas trop compliqué car j'ai gardé le pot d'origine (à peine "vidé") pour ne pas attirer l'attention. Là, après un rodage prudent et long (pour moi, à l'époque, 3 pleins c'était éternel), le miracle opère: environ 40km/h en 1ère, 70 en seconde et près de 100 en 3ème. Les côtes n'existent plus et les Vespa ou Lambretta 125, les Bultaco Junior 75cc... sont oubliées. Je réaliserai des voyages vers Valencia ou Alicante lors des ponts ou weekends rallongés: 1000km aller/retour sans autre problème que des bougies claquées et la frustration d'être dépassé par certains camions ou cars rapides (nous sommes en 1974/1975). Ce bas moteur Derbi est indestructible!
" />
À l'aube de mes 19 ans je passe mon permis "toutes cylindrées" et vends la Derbi (elle a 26000km environ) à un voisin qui la gardera pendant quelques années sans venir me réclamer quoi que ce soit... Une Butaco Metralla Mk2 prendra la relève, mais là, c'est du sérieux.